La Letter Pop & Psy

Concentré mensuel d’informations sur la santé mentale et la pop culture : sélection de films, séries et actualités afin de mieux comprendre les troubles psychiques, infos et events Pop & Psy !

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Par Jean-Victor Blanc
11 avr. · 3 mn à lire
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Muscles, Napoli & Petite Folie Sauvage

En Avril, Pop & Psy se découvre d'un fil

Ceci est un futur gouverneur de Californie.Ceci est un futur gouverneur de Californie.

Muscles: bigger is better?

« I want muscles ! » Dans son tube de 1982, l’iconique Diana Ross n’y va pas par quatre chemins. La boss des Supremes le chante ainsi : si certaines femmes «se satisfont d’un homme qui les comprennent », ce qu’elle attend d’un homme, elle, c’est des muscles! Le titre -et son clip surréaliste- revendique au mitan des années disco ce qui aujourd’hui est devenu une obsession pour beaucoup d’hommes (et de femmes) : un corps musclé. Évidemment, il ne s’agit pas de remettre en cause les vertus de l’activité sportive, primordiale pour la santé physique et mentale. Mais de pointer ce qui peut devenir problématique quand la quête du muscle devient une obsession, trouble appelé la bigorexie.

Batman et Musclor

Jusqu’aux années 90, le bodybuilding était une pratique de niche. Ces physiques spectaculaires restaient exceptionnels, comme celui d’Arnold Schwarzenegger, plusieurs fois Mister Univers dans les années 70 avant de devenir Conan le Barbare puis gouverneur de la Californie. Aujourd’hui, la silhouette musculeuse s’est ainsi imposée comme un standard à l’écran. Si on compare le Batman de la série des années 60 avec sa dernière interprétation par Robert Pattinson, force est de constater que l’homme chauve souris passe aujourd’hui plus d’heures à soulever de la fonte qu’à batifoler avec Robin. Idem au rayon jouet, où les Action Man sont passés en quelques décennies d’un corps sportif à des biceps si turgescents qu’on doute de leur capacité à bouger les bras. Le corps non musclé, normal, voire adipeux, devient une exception parmi ces représentations, au point d’en faire une tendance de niche, le “dad bod”. Pendant ce temps là, la prise de testostérone devient plus fréquente, afin de gagner du muscle plus rapidement, normalisant encore plus les gros biceps. Et ces nouveaux standards esthétiques ont des conséquences sur les psychés.

 

Toujours plus

La bigorexie est un trouble défini depuis quelques années en psychiatrie. Ce trouble est à mi-chemin entre une addiction et un trouble du comportement alimentaire. Il appartient à la famille des Body Dysmorphic Disorder (BDD). Ces troubles ont tous en commun une grande insatisfaction corporelle, une sorte de super complexe, qui n’est pas objectivé pour un tiers observateur (par exemple, passer plusieurs heures par jour à obséder sur le fait d’être trop petit pour quelqu’un qui fait 1,80 mètre). Dans le cas de la bigorexie, l’impression d’avoir un corps trop fin devient obsédante et déclenche une compulsion sportive. Elle va se traduire par la fréquentation assidue de la salle de sport, en quête d’une prise de masse musculaire. Mais cela ne va faire qu’accentuer le mal-être, avec un sentiment d’échec et une perte de contrôle. C’est similaire à ce que peut éprouver une personnes atteinte d’anorexie mentale: plus elle est maigre et plus elle se trouve grosse, formant un cercle vicieux. Les hommes atteint du “complexe d’Adonis” s’obligent également à suivre un régime très strict, ultrariche en protéines et compléments alimentaires, avec une alternance de périodes “de sèche » et de « prise de masse ». La moitié d’entre eux va également détourner des stéroïdes anabolisants (dont la testostérone) afin d’augmenter leur prise de muscle (González-Martí, Adicciones. 2018). Ce dopage peut avoir des effets secondaires graves: risques de cancer et de maladies cardio-vasculaires augmentés. Les hormones ont également un effet sur l’esprit : la surcharge de testostérone est ainsi responsable d’une hausse de l’agressivité (appelée “Roid rage” aux US), d’anxiété et de symptômes dépressifs… Et tout cela renforce l’inadéquation entre corps réel et idéal. C’est ce qu’on voit dans la série 13 Reasons Why (Netflix), lorsque le personnage d’Alex développe une obsession pour son corps et se pique à la testotérone, qu’il se procure auprès de l’équipe de football du lycée. Cela va aggraver son mal être et avoir des conséquences dramatiques. Comme souvent, cette représentation dans la pop culture est loin d’être anecdotique: les études montrent qu’aux USA, c’est près de 2% des adolescents qui détournent des anabolisants dans le but d’augmenter leur masse musculaire (Mitchison, Psychol Med. 2021) … 

 

Body positive

Les personnes concernées par la bigorexie n’osent pas en parler à leur entourage ni à des professionnels: demander de l’aide est encore trop souvent perçu comme un aveu de faiblesse. Pire, cette silhouette étant valorisée socialement, le trouble peut être renforcé par des compliments sur l’apparence physique! Les stéréotypes de genre ont la vie dure, comme celui qui voudrait que virilité = puissance = muscle. Si, bien sûr, tous les adeptes du cross fit ne sont pas atteints de bigorexie, il est important de diversifier les représentations des corps, dans la pop culture et au delà (coucou Timothée Chalamet & Pedro Pascal).

Table ronde “Boys don’t cry : les masculinités à l’épreuve de la santé mentale”

On a réuni Albert Moukheiber, docteur en neurosciences, Martin Page, auteur et éditeur, Louis Albi, chanteur & Nabil Harlow, chanteur, autour du micro de Pierre Alexandre M’Pelé, directeur éditorial de GQ France pour parler de santé mentale et masculinités lors du Pop & Psy 2023.

La verbalisation des émotions, l’introspection et le fait de prendre soin de soi sont encore trop souvent associés au genre féminin, et considérés comme dépréciatifs. Pourtant, contrairement à ce que ces clichés virilistes voudraient nous faire accroire, Boys do Cry. Retrouvez ces échanges passionnants sur la Pop & Psy TV!

En bonus: écoutez le magnifique album Cœur élégant de Nabil Harlow, qui explore en 13 titres une virilité garantie 0% masculinité toxique.

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Reality (2012) - Matteo Garrone

Luciano (Aniello Arena) est un modeste père de famille napolitain. Lorsqu’il reçoit un appel des producteurs de son émission de télé réalité favorite, « Il Grande Fratello », il commence à perdre pied avec la réalité. Reality, qui a reçu le Grand Prix lors du Festival de Cannes en 2012, poursuit les reflexions du cycle FAME du ciné club Culture Pop & Psy au cinéma le Brady. La projection aura lieu le mercredi 27 Mars 2024 à 20h30 et sera suivie d’un échange à propos de la construction des idées délirantes et de la real TV : à vos places!

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Tom Ford évoque ses 14 ans de sobriété dans GQ

“L’alcool était une porte d’entrée vers la drogue. En fait, mon fils n’a pas encore lu tout ce genre de trucs. Il va le lire un jour. Et je vais devoir lui en parler, parce qu’il partage mon patrimoine génétique, c’est-à-dire des origines anglo-irlandaises. Je pense que nous avons des prédispositions aux addictions. Mon père buvait énormément. Mais l’alcool, c’était une porte d’entrée. La cocaïne est très populaire dans le monde de la mode. Je me suis rendu compte que c’était devenu un problème lorsque j’ai commencé à en prendre le matin.”

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Minuscule folle sauvage de Pauline de Tarragon

Premier roman graphique de Pauline de Tarragon, musicienne, chanteuse, autrice connue sous le nom de Pi Ja Ma, Minuscule folle sauvage ( Éditions La Ville Brûle) raconte l’histoire d’une petite fille très sensible, qui grandit, et de son chemin vers le rétablissement. Émouvant, drôle et instructif: à mettre en toutes les mains!